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Cid
L’œuvre de Pierre Corneille a vu son titre amputé et son texte aussi.
Sabine Durand l’a adapté pour quatre personnages seulement, avec pour résultat d’aller à l’essentiel (et de condenser le spectacle en 1h50).
Sa mise en scène insuffle aussi, de temps en temps, un vent de fraîcheur et de jeunesse sur le texte poussiéreux qui n’a pas pris une ride en force et en puissance de sentiments.
Le dilemme de Chimène et de Rodrigue reste total.
Entre amour et devoir, que choisir?
Laisser parler son cœur ou sa raison ?
Telle est la question… et la substance même de toute la pièce.
Rien de trop, rien de trop peu donc dans le dosage et la présentation choisie par Sabine Durand.
L’originalité réside dans un traitement par instant parodique ou théâtralisé à outrance
Rodrigue (Nicolas Luçon) et Chimène (Nathalie Mellinger) sont tout à la fois les amants impossibles et leurs irascibles pères, à grand renfort d’une moustache dessinée au crayon.
Ils jouent l’amour et l’honneur avec tant de raideur grandiloquente qu’on s’en amuse (légèrement).
La palme du rire revient au roi Ferdinand (Jean Debefve) et l’Infante (Photios Kourgias, un homme).
Tout à fait décalés, ils accumulent pitreries et déchaînent les rires.
Le Cid de Corneille se trouve ainsi traité et malmené (sans impertinence) sur deux niveaux.
Surprenant, amusant par instants, il se décline également dans une pure et classique tragédie.
Entre farce et drame, on hésite souvent.
Sans s’en plaindre vraiment, ce condensé nous permet de mieux percevoir la subtile puissance du drame cornélien.
Le petit côté humour permet aux plus jeunes d’approcher l’œuvre plus aisément que dans sa globalité souvent considérée par eux comme rébarbative.

Un travail intéressant, qu’on ressentira comme un peu inabouti ou frustrant.
La beauté du texte, en alexandrins, est intacte, mais la saveur des rires est trop brève pour compenser l’inconfort d’une scénographie mal adaptée à la Balsamine.
Présenté tout en longueur, le spectacle ne réussit à satisfaire que les spectateurs assis au milieu du gradin (sans dossier), ceux qui se retrouvent aux extrémités perdent une partie du texte qui s’envole vers les cintres, enfouis dans les bruits (pourtant discrets de toux ou de pas des comédiens).

Il serait injuste pourtant de ne pas applaudir la fougue et le talent dramatique de Nathalie Mellinger confondante de chagrin et de douleur.
La comédienne semble d’ailleurs une habituée des œuvres décalées, elle nous avait régalé également de sa prestation dans La tempête.
Jean Debefve est plus que séduisant dans son rôle de roi retors et épuisé.
Courbé par le poids du pouvoir, il tente encore de manipuler les uns et les autres.
Son Infante de fille, jouée par Photios Kourgias devient un personnage tout à fait décalé, par instants même loufoque qui navigue entre son amour impossible, sa simplicité d’esprit et ses espoirs déçus.
Nicolas Luçon sert un Rodrigue dépassé par les évènements, contraint de tuer le père de sa fiancée, de devenir le bras victorieux de la cité, repoussé par sa Chimène, il est désemparé, étourdi par l’avalanche d’évènements qui lui tombent sur la tête.  Il insuffle ainsi à son personnage un air de gamin désemparé pas déplaisant du tout.

Cid est une approche ludique à conseiller pour faire découvrir un classique aux élèves du secondaire, mais c’est aussi l’occasion de percevoir autrement un texte tragique qui peut porter aux rires et à l’amusement selon la manière dont il est brillamment joué par ses quatre comédiens sans jamais pourtant y changer la moindre virgule.

Spectacle vu le 24-04-2008
Lieu : Théâtre de la Balsamine

Une critique signée Muriel Hublet

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