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Moulins à paroles
Grenouille de bénitier sur lit de lentilles
L’auteur anglais, Alan Bennett, dans son livre Moulins à paroles (traduction de l’anglais Talking Heads), nous propose sept monologues, (Une frite dans le sucre, Un lit parmi les lentilles, Une femme de lettres, La Chance de sa vie, Continuer comme avant, Un bi-choco sous le sofa, Une femme sans importance).
Instantanés de vie, parenthèses amères et ironiques sur des gens sans importance, des mises à nu subtiles, cocasses et poignantes, chaque histoire nous emmène à la découverte d’un destin étrange, surprenant ou pitoyable.  Chaque récit est piquant, amusant et terriblement pimenté d’un humour désarmant de candeur et de réalisme.

Delphine Charlier, à l’interprétation, et Pascal Racan, à la mise en scène, ont choisi de nous en présenter deux.
Un lit parmi les lentilles, le premier nous narre la vie de Suzanne, femme de curé.
Entre son alcoolisme brandi comme une bannière sanctificatrice par son mari, le fan-club des grenouilles de bénitiers qui se font une concurrence acharnée en créant les plus beaux décors d’autels, sa rencontre avec un épicier indien et son lit de lentilles, Suzanne se perd en religion, ne sait plus où sont la foi ou l’amour.  Elle dénonce, mine de rien, l’hypocrisie religieuse, un certain arrivisme clérical et les petites manipulations des uns et des autres, la morale éprouvante et bien-pensante qui pèse sur un milieu qui n’arrive pas à vivre vraiment avec son temps.
Une femme de lettres nous présente une femme solitaire, qui épie ses voisins et commente avec acharnement et un esprit étroit leurs comportements.
Curieuse, vindicative, elle vit avec un bic vengeur, querelleur et délateur à la main.
Elle inonde les administrations, les entreprises et ses voisins de ses réclamations, remarques acerbes et autres critiques jusqu’au jour où …

On reprochera peut-être Delphine Charlier et Pascal Racan, leur tentative de lier deux histoires différentes dans un essai difficilement plausible de faire de Suzanne, femme de curé, une divorcée tombée dans le dénigrement zélé et la compulsion maladive à inonder son entourage de missives dignes d’un corbeau.

Le spectacle doit encore un peu se roder, Delphine Charlier doit encore trouver certaines marques, mais cette première vision est prometteuse.
Ceux qui l’ont appréciée dans Orgasme adulte échappé du zoo la découvrirons ici plus sobre, mais plus subtile dans ces portraits attachants de deux femmes auxquelles il est si facile de s’identifier tant elles sont émouvantes et désarmantes de naturel.
L’humour reste ici aussi bien présent, anglais, noir, cynique, doux et amer dans une fine, clairvoyante et  insidieuse peinture des travers de notre société.

Spectacle vu le 29-02-2008
Lieu : Jardin de ma Sœur

Une critique signée Muriel Hublet

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