A présent, se souvenir, peu importe
Une très libre adaptation de la pièce d’Anton Tchékhov Les Trois Sœurs.
Le célèbre auteur russe voulait montrer la vie d’une petite garnison, au fin fond d’une Russie, fin 19ème. Toute sa pièce tournait autour de l’existence étriquée de trois jeunes femmes et surtout de leurs rêves.
Mais dans son écriture, les hommes étaient présents.
Loin de la rigueur ampoulée de l’époque, hors contexte mais pas vraiment hors texte, Agathe Chion, la jeune metteuse en scène, a souhaité accentuer ce propos.
Elle opte pour une thématique est donc uniquement féminine et offre tout l’espace à quatre actrices (les trois sœurs et leur belle-sœur Natasha).
Tout commence comme un exposé, les comédiennes sont face au public et lisent les didascalies (les petites notes de mises en scène rédigées par Tchekhov) et une présentation globale du spectacle.
Très vite, cette sérénité et le ton posé vont laisser place à une frénésie d’apparence désordonnée.
Ensembles ou séparément, chacune va vivre sa vie, se montrer, se dévoiler.
Les comédiennes vont enfiler une tenue après l’autre, enchaîner les gestes et devenir toutes les facettes de la Femme.
Qu’elle croque un citron, fume une cigarette ou épluche un oignon, qu’elle serve le thé (au public), qu’elle dresse la table, qu’elle danse, dorme, se cuite, dorme, berce son enfant, pleure ou s’étourdisse, c’est toujours Elle, la femme
Femme-objet, femme-enfant, femme refoulée, mère, enfant, servante, dragueuse, coquette, inquiète, timorée, craintive, éprise, malheureuse, toutes les profils sont là, devant nos yeux, s’agitant, se chevauchant, se cognant les unes aux autres comme dans un démentiel trombinoscope.
Agathe Chion nous transporte dans un kaléidoscope torturé, sans cesse agité de tressaillements, qui remettent en question l’instant présent, la sensation perçue en apportant un nouvel angle de vision, une nouvelle idée, une impression fugace.
Mais ce tourbillon qui surprend prime abord, qui séduit ensuite, tourne finalement et malheureusement en une indigestion verbeuse et sonore.
On ne peut donc que déplorer l’absence d’une certaine modération.
Car tout le plaisir pris à certaines scènes, l’amusement ressenti face à certains gags ou clins d’œil s’estompent devant l’accumulation.
La fougue et l’enthousiasme des comédiennes ne suffisent hélas pas à tout compenser.
Spectacle vu le 19-06-2007
Lieu :
Théâtre Océan Nord
Une critique signée
Muriel Hublet
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