Le Sourire du diable
Dans un pays pas très éloigné du nôtre, où l’on vit les conséquences d’une séparation entre Nord et Sud, où la guerre est larvée, où les lois d’exception pullulent sans n’être jamais abrogées, Bruno (Patrick Ridremont) est un écrivain candide, sensible aux honneurs.
Un appel (un ordre) du palais, et voilà notre homme aigri par le président en place, révolté par ses diktats, déçu par son manque de reconnaissance pour les artistes, subjugué par une personnalité qui se veut avenante et tolérante.
Il y voit l’occasion de dépasser enfin son rival de toujours Belgritte (Belgique-Magritte ????).
Il va se lancer dans l’œuvre de sa vie, le roman qui va révolutionner les esprits de son époque, qui donnera un éclairage différent, plus sensible et humain sur un homme considéré par beaucoup comme un dictateur le tout en n’omettant pas de mettre le doigt sur ce qui ne va pas dans le pays.
Idées glorieuses, pleines de bons sentiments, mais peu réalistes face à une autorité despotique et tyrannique.
Le texte de Paul Emond parle d’un écrivain, mais pourrait s’adapter à chaque artiste et même à chacun d’entre nous.
Nous sommes tous sensibles peu ou prou aux appels du pouvoir, à la flatterie au point parfois comme Bruno d’en perdre le sens des réalités et de prendre pour amitié ce qui n’est que vile flagornerie manipulatrice.
La jalousie, la course à la reconnaissance ou aux lauriers de la gloire n’est pas neuve, elle est très humaine et se lie ici avec les réactions des uns et des autres face à un pouvoir totalitaire.
Quel doit être le comportement de l’élite dite intellectuelle face à la répression forcenée, à l’injustice ou aux poursuites iniques ?
Admettre, se taire, refuser, risquer sa vie, moyenner. Il y a autant de possibilités que de personnalités.
Le sourire du diable n’apportera pas de réponses, mais juste un questionnement. Le sujet se veut porter à la réflexion, mais reste très prévisible dans son propos.
Dans une mise en scène de Patrice Kerbrat et une scénographie colorée et originale d’Édouard Laug, les personnages vont et viennent dans un univers clos qui représente le bureau de l’auteur, mais qui est aussi très probablement son intimité, ses idées, ses pensées.
Le plus surprenant des intervenants est Zico, le bavard perroquet, interprété par Othmane Moumen. Quasi méconnaissable sous son maquillage, il est équilibriste, passant de la roue au trapèze avec adresse, mais surtout il est un confident très particulier, l’âme raisonneuse, le plomb dans la cervelle et l’ancrage sur terre qu’il manque à Bruno. Mais… il n’y a pire sourd que celui qui ne veut entendre et l’écrivain, tel le corbeau de la fable succombera aux beaux discours des renards de la politique.
À leurs côtés, rien que des noms et des visages connus : Myriem Akheddiou, Olivier Cuvellier, Marie-Line Lefebvre, Othmane Moumen,
Pierre Poucet et Pascal Racan.
Avec une telle affiche, on déplora un peu que ce spectacle pourtant plaisant n’offre pas plus de dynamisme et de pétillant, ce qu’il laissait espérer quand on retrouve sur scène une bonne partie de l’équipe de La Veuve Rusée.
Spectacle vu le 11-01-2007
Lieu :
Atelier Théâtre Jean Vilar
Une critique signée
Muriel Hublet
Imprimer cette page
Enregistrer cette page sous format PDF