La Veuve rusée
Une pièce de théâtre charnière.
Elle fait un lien entre la Commedia dell’arte et le théâtre classique tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Le récit parle de nos différences nationales.
A l’heure de l’Europe et de l’unité internationale, chacun n’a jamais été plus enclin à protéger son identité locale, ses coutumes et son langage.
La veuve rusée a en face d’elle quatre prétendants très colorés.
Impossible de rater leurs origines, ils sont habillés à leurs couleurs nationales respectives.
Qui va emporter le cœur de la belle, qui sera le plus fidèle, le plus constant ?
Le français, l’italien, l’espagnol ou l’anglais ?
Chacun a ses atouts, ses attraits, mais pour nous, c’est surtout un plaisir de voir ce que les mots de Goldoni et la mise en scène de Patrice Kerbrat
ont fait de ces personnages.
Le matamore espagnol librement interprété par Patrick Ridremont est succulent, l’acteur y imprègne une verve comique incroyable.
L’anglais est Olivier Cuvellier, une sorte d’homme compassé, engoncé dans un carcan de bonnes manières, qui quand il s’embrase pour une femme ne semble guère brûler plus qu’une bougie.
L’italien, Frédéric Nyssen, est jaloux, possessif, il est amoureux fou, mais empoissonnant à force de regards noirs et querelleurs.
Le français, joué par Pierre Poucet, est pédant, envahissant, coureur de jupons, hâbleur…très (trop ?) fransquillon quoi !
Ce défilé de personnages est charmant.
Il faut à leurs côtés épingler Gérard Vivane en beau-frère amoureux d‘une jeunette et surtout mademoiselle Marionnette (Marie-Line Lefebvre) et sieur Arlequin (Olivier Leborgne) les deux domestiques qui mettent vie et animation dans une pièce sinon parfois un peu lente et conventionnelle.
On ne peut reprocher ce fait aux acteurs ou à la mise en scène, mais au texte.
Il n’est pas toujours possible de prendre beaucoup de liberté avec les mots de l’auteur. Goldoni en plus de nous faire rire voulait nous plonger dans des réflexions sur l’amour et la recherche du bonheur (et il y réussit).
On retrouve dans les décors l’ingéniosité de Edouard Laug. Il reconstitue une place vénitienne, une auberge, le porche d’une demeure et sa pièce d’apparat en quelques cloisons boisées amovibles.
J’ajouterais un petit bémol, le choix des costumes est un peu trop … national.
Chacun est revêtu de ses propres couleurs, pas de problème pour le spectateur d’identifier chaque origine, mais cela en jette un peu trop à mon goût surtout pendant les scènes de mascarade.
Mais l’ensemble reste plus qu’agréable et est à voir de toute urgence, car la pièce termine sa tournée d’ici peu.
Une veuve rusée mâtine et mutine qui n’a pas pris une ride et qui continue à collectionner fidèles spectateurs et chevaliers servants hauts en couleur (surtout quand ils sont de la veine d’un Ridremont)
Spectacle vu le 28-11-2006
Lieu :
Atelier Théâtre Jean Vilar
Une critique signée
Muriel Hublet
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