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Huis clos
Huis closUne porte d’ascenseur qui coulisse pour mener à … l’échafaud ?
Non, elle s’ouvre sur une pièce étrange avec pour tout meuble trois divans un peu étranges… des cercueils à la tête redressée,  recouverts d’une couverture ; pour plancher un pan de ciel bleu, pour toute décoration une statue de bronze.
Comme gardien des lieux, un jeune homme à la mine sévère, à la veste garnie de deux ailes hirsutes et très grisâtres, ange déchu ou démon déguisé ?
Un peu comme un garçon d’étage peu loquace et encore moins obséquieux, il introduira tour à tour un homme et deux femmes.
Qui sont-ils ? Pourquoi sont-ils là ? Où sont-ils ?
Nos questions trouveront petit à petit des réponses derrière les mots de Jean-Paul Sartre.
Morts, mais pas tout à fait ; vivants encore un peu ; emplis de hargne, de rage, de désespoir, de révolte, de silences et de cris intérieurs.
Chacun a son passé, son histoire réelle et ce qu’il veut bien en dire, mais tous se savent condamnés.
Damnés pour l’éternité, mais sans pals, sans flammes sans bourreau, car sadiquement, leur enfer c’est les autres.
Lui est Garcin (Julien Roy), le journaliste un peu macho, idéaliste, mais qui refuse d’admettre sa veulerie.
Homme renfermé au départ, mais d’une nervosité extrême, plein de tics, il ne désire apparemment que la paix et le silence.  Il va devenir petit à petit jouet de ses voisines d’éternité, victime repentante, manipulateur et mendiant d’un peu de confiance, Jo Deseure & Denis Carpentier de réassurance dans cet univers où il perd tout de vue sauf sa lâcheté.
Il joue avec maestria sur la palette des sentiments en provoquant tour à tout l’énervement, l’agacement, la haine, la rage, le dégoût et l’envie des autres.
Jo Deseure est Inès, la lesbienne, qui a acculé son amie au suicide collectif, qui ne regrette rien, qui se sait maudite depuis longtemps.
Femme sèche, qui n’a plus rien à donner (dit-elle), lucide, clairvoyante, elle a vite fait de percer à jour les deux autres et d’essayer, telle une tarentule qui tisse sa toile, de les piéger, d’user de leurs faiblesses pour mieux les manipuler.
Jo Deseure est superbe en femme forte (d’apparence) qui cache soigneusement son côté femme fragile… elle nous offre tout : les cris, l’amour, la révolte, l’apparente tendresse…On en redemande !
Isabelle Wéry est Estelle la cocotte maniérée, bourgeoise qui ne peut vivre sans son miroir, sans se voir dans les yeux des autres et qui doit, à tout Huis closprix pour exister, se sentir femme, se sentir désirée.
Entre la pédante bourgeoise, poseuse, excessive et la leçon de séduction, elle montrera tout à la fois le désespoir d’une femme qui n’a plus aucuns repères, les envies luxurieuses ou le machiavélisme d’une rouée libertine.
A l’arrière-plan, silencieux, mais bien présent, surveillant ses victimes, sans une once de compassion, avec même une tendance sadiquement provocatrice Denis Carpentier est le garçon d’étage.
Il va très peu parler, mais ses regards et ses postures en diront bien plus.

Retrouver Sartre et Huis Clos est toujours un plaisir, mais s’ils sont présentés de manière originale, avec une recherche de décors et de costumes et si les interprètes se donnent à fond et nous offrent une superbe prestation, on ne peut qu’applaudir.
Si les bravos vont principalement à Jo Deseure et à Julien Roy, il ne faudra pas oublier que derrière eux se cache toute une équipe (dont la mise en scène de Richard Kalisz  et surtout les costumes et la scénographie de Catherine Somers).

Spectacle vu le 19-09-2006
Lieu : Atelier Théâtre Jean Vilar

Une critique signée Muriel Hublet

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