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Une pucelle pour un gorille
De surprises en étonnements !
On arrive par un petit sentier dans le somptueux cadre du Théâtre de verdure, un îlot paisible quasi sous l’Atomium, pour ceux qui ne connaissent pas cela étonne et ravi.
Un chapiteau est dressé pour abriter spectateurs et acteurs, car avec Madame Météo belge, il faut prendre de sérieuses précautions, même en été.
Derrière les portes fermées, vous entendez des bribes de musique.
On imagine donc sans peine, les artistes en train de s’échauffer et de régler leurs instruments au diapason.
Les portes ouvrent enfin, ouf…. Les larmes commençaient à tomber du ciel, les fleurs de parapluies à surgir de partout.
A l’intérieur, les acteurs, déjà sur scènes vous accueillent d’un sourire, d’un geste de la main ou d’un tonitruant bonjour.
Ils créent ainsi d’emblée une ambiance bonne enfant et un contact tacite avec le public.
Avec beaucoup de patience et pendant près de 15 minutes, ils vont reprendre plusieurs fois l’intro musicale du spectacle pour permettre aux retardataires de se glisser jusqu’à leurs sièges.
Premiers arrivés, premiers servis dit le proverbe, mais ici cela énerve un peu, on s’interroge sur la suite sans trop comprendre d’emblée que Une pucelle pour un gorille est une pièce de théâtre très spéciale.
Loin des décors rigides, des costumes empesés et d’une scénographie réglée à la seconde près, nous allons vivre un spectacle détonnant, une farce derrière le drame évoqué.
Un désordre savamment orchestré, à tout instant, ils vont nous donner l’impression de hasards, de surprises, de petits règlements de comptes entre eux et donc nous offrir une comédie dans la tragédie sensée se jouer devant nous.
Ils y réussissent tellement bien qu’il devient difficile de dire si la panne de courant est un hasard ou un intermède réellement prévu.
En mélangeant boniments forains au théâtre classique, l’histoire d’une mère infanticide, les réflexions sur une éducation trop rigide, ou encore le droit à la liberté perdent une partie de leur gravité intrinsèque.
Le message reste et porte, mais il nous arrive par le rire. Que dire de plus de ce spectacle original, vibrant, généreux et follement baroque à part vous parler des acteurs …
Exhibée comme un monstre, huée et vilipendée, Françoise Villiers est la mère, l’ogresse, l’infanticide, victime pathétique d’une illusion funeste.
Elle assiste enfermée, enchaînée à sa propre histoire, racontée par ce théâtre forain. Loin de jouer un rôle de spectatrice, Françoise Villiers insuffle à chacune de ses répliques le ton poignant de l’amour maternel et le pathétisme d’une situation qui lui a totalement échappé.
Thibaut Nève est l’espèce de Monsieur Loyal, en costume de dompteur de fauves, qui mène sa petite troupe à la baguette et essaie de faire face à tous les petits aléas du spectacle. Le costume représente-t-il la difficulté du rôle ?
Pas vraiment, car il est là, partout, sautillant avec une présence folle, et permet à ceux qui l’on apprécié dans Le Dindon (Atelier) ou La Trilogie de Belgrade (Public) la saison dernière de retrouver son dynamisme électrique (d’ailleurs, même ses cheveux en ont pris une décharge).

Myriem Akheddiou endosse plusieurs costumes, elle passe de celui de la femme à barbe, au rôle de la mère.
Elle emplit littéralement la scène d’une autorité incontestée de femme à poigne, elle s’impose d’un simple bruissement de jupes, tout en rayonnant de prestance.
Elle était déjà très bonne dans Le Dindon (Atelier), mais alors ici, elle est superbe.
Othmane Moumen lui est tout bonnement époustouflant, il endosse de multiples personnalités, de la bête cornue en rut, aux messieurs sérieux et bien-pensants.
Déjà apprécié plusieurs fois cette saison, il joue ici sur tous les registres et donne la mesure de son talent en se glissant dans chaque rôle avec la petite touche d’exagération ou d’humour propres au spectacle forain. La liste ne serait pas complète si le metteur en scène Olivier Massart était oublié, car son spectacle est vivant, soigneusement recherché et très bien équilibré, dans une scénographie qui n’offre aucune coulisse, sur une scène entièrement ouverte aux yeux du public.
Un énorme bravo à ceux qui ont imaginé décors et costumes, car de quelques bouts de ficelles et de trois morceaux de rubans, ils ont réalisé un ensemble esthétique, fonctionnel et très imaginatif ; comme,par exemple, de cacher Othmane Moumen sous des oripeaux et lui faire manipuler des têtes de papier mâché comme de vraies marionnettes et imprimer un dialogue entre celles-ci.
A ne pas manquer donc d’autant que Les Fééries Théâtrales sont une toute nouvelle initiative bruxelloise. Ce serait dommage de laisser perdre une telle idée et surtout de rater une occasion de bien s’amuser.

Spectacle vu le 19-08-2006
Lieu :

Une critique signée Muriel Hublet

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