La ville
Un homme se remet en question, regarde sa vie et se découvre au bout de tout.
Il n’a plus de projets, plus de petits bonheurs et n’a plus en bouche le souvenir des jours heureux.
Il se sent enfermé, sans espoir. Pour lui, pour pouvoir continuer à évoluer la seule solution est de faire quelque chose de neuf, quelque chose d’imprévu : partir ailleurs, sans but.
Mais cela veut dire aussi tout plaquer, laisser derrière lui femme et enfants, parents et amis et surtout cela signifie de prendre une décision.
Un sujet plutôt triste et déprimant ?
Pas du tout, la pièce est dynamique, enlevée, ironique et ne nous laisse guère de répit.
L’auteur, Evguéni Grichkovets, a pris le parti de traiter un sujet aussi délicat par la dérision.
Le texte est ironique, tendre, bourré de jeux de mots, de contresens, les acteurs ont par moment des monologues, quasi logorrhéiques pour décrire leurs impressions, ils se servent de métaphores plutôt drolatiques pour exprimer remise en question et problème existentialiste.
Comparer son destin à celui d’une petite cuiller seule survivante d’un service à thé, adorée par toute la famille et soigneusement conservée, cela paraît écrit ainsi un peu biscornu, mais c’est d’une rhétorique implacablement ironique.
Le blues actuel, la remise en question permanente que nous vivons tous est évoquée et nous interpelle, mais l’instabilité de Serge (Jean-Michel Van den Eeyden) est tempérée par le comportement nettement plus stable de son entourage.
Il court, trépigne et ne reste pas en place, au propre comme au figuré. Cette fébrilité motrice est le reflet de son tourment intérieur, du remue-ménage cérébral qui l’agite.
Tour à tour, son meilleur ami, sa femme et son père vont essayer de tempérer ses tourments, d’apaiser ses souffrances intérieures, de le réconforter.
Mais chacun d’eux cache aussi ses propres fêlures et vont finir par s’agiter, entraînés, eux aussi, dans une remise en question de leur univers.
La mise en scène de Marcel Delval est très dynamique, trépidante et plutôt athlétique.
Courses, sauts, culbutes, le travail des acteurs est très physique.
La Ville va tourner dans les écoles et est mise en scène dans ce but précis. Pas de coulisse, pas de zone d’ombres, tous les acteurs sont en scène, visibles, s’interpellent se prennent à témoin. Un procédé qui accentue encore le dynamisme du texte.
Le public visé est résolument adolescent. La question lancinante qui se pose derrière les mots de Evguéni Grichkovets est la difficulté de grandir, d’entrer dans le monde adulte, d’accepter ses responsabilités.
Serge est une sorte de Peter Pan qui souhaite rester dans son monde imaginaire, qui refuse de grandir. Mais Serge est un adulte. En montrant et en démontant le mécanisme tortueux de sa pensée et son malaise, nous sommes tous interpellés jeunes et moins jeunes, car tous nous avons à un moment ou à un autre regrets, nostalgie et envie de revenir en arrière, de tout plaquer et pas seulement à l’heure du si souvent providentiel démon de midi.
Spectacle vu le 22-11-2006
Lieu :
Théâtre Varia - Grande Salle
Une critique signée
Muriel Hublet
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