Jaz
Sur un plateau incliné, un peu semblable à la peau tendue d’un tamtam, deux femmes vont s’exprimer, une en paroles, l’autre en musique.
Carole Karemera nous parle de Jaz, son amie, nous raconte son histoire, sa vie, sa souffrance, ses douleurs et … son viol.
A mots feutrés, avec des images colorées, des nuances pastel pleines de poésie et une pudeur incroyable, elle donne la parole à une femme, La Femme, toutes les femmes.
Elle va raconter une histoire, mais aussi toutes les histoires sans distinction de couleur.
D’une voix douce, elle parle, elle se livre. De temps à autre, un cri, une révolte fissure son message.
Une lézarde qui montre la vie réelle et ses stupidités avec pour leitmotiv les élucubrations et circonlocutions irréalistes du règlement d’ordre intérieur d’immeuble.
Comme de petites parenthèses présentées comme autant de courriers débiles et de phrases ridicules, ces apparentes digressions nous offrent une goulée d’air frais, un moment d’ironie. Elles sont comme un moment de répit dans un texte parfois trop prenant.
Pendant cette heure d’intimité pudique qu’est Jaz, elle sera accompagnée au violoncelle par Julie Chemin.
Mais plus qu’un accompagnement musical, elle offre une présence complice, elle exprime, renforce et souligne les mots de Carole Kamera.
La musique devient soutien, support et accessoire.
Le texte de Koffi Kwahulé est poignant, touchant, il montre la douleur profonde, la souffrance à l’état brut quand l’hystérie épidermique est enfin dépassée.
Il nous montre la femme blessée, anonyme, silencieuse, qui sans cris, sans violence verbale s’exprime et souffre.
Il casse les mythes et tabous masculins trop souvent utilisés pour atténuer l’impact d’un viol.
Il fait vibrer dans les silences de Jaz le cri du désespoir, le poids de sa disgrâce.
Tout à la fois délire verbal d’une femme dépouillée, conte urbain et réaliste d’aujourd’hui et de toujours et poésie, Jaz vous emmène, vous emporte, et vous empoigne. On en finit même par oublier certaines longueurs et certains longs silences parfois dérangeants (probablement voulus pour renforcer l’impression intimiste) pour admirer la prestation de Carole Kamera, qui sans aucun décor pour soutien, dans une économie de gestes étonnante, fait passer les sentiments de Jaz uniquement par la parole et le visage.
Spectacle vu le 14-09-2006
Lieu :
Théâtre Varia - Grande Salle
Une critique signée
Muriel Hublet
Imprimer cette page
Enregistrer cette page sous format PDF