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Bord de mer
Bord de Mer - Magali PinglautUn seul en scène où une femme, mais plus encore une mère se raconte.
En pleine semaine d’école, elle emmène ses deux enfants Kevin et Stanley à la mer.
Un voyage secret, (On avait pris le car, le dernier car du soir, pour que personne ne nous voie), de nuit, une arrivée dans un hôtel minable (brun et sombre comme une boîte à chaussure), la pluie incessante martèle les petits cous, trempe la petite famille, s’acharne sur eux, leur donne froid, mouille les cheveux, détrempe les humeurs et éteint les flammes de l’enthousiasme des enfants.

Petit à petit, à travers de ce monologue, se distinguent les contours d’une personnalité trouble.
Une mère qui élève seule ses garçons, malade, peu présente, assommée par les médicaments, les angoisses et une forme de paranoïa, une maman oublieuse des heures, assistée, secondée presque remplacée par son fils aîné (âgé de 9 ans).  Une famille modeste, très modeste avec pour seul avoir le dernier billet de 20 € qui sert à payer le car et une boîte à thé qui contient toutes les économies glanées sur l’argent des commissions soit 12€40.
Dans un récit monocorde ou presque, cette femme nous entraîne au bout de sa nuit, de son enfer personnel et va nous faire découvrir bribe par bride l’indicible gouffre de sa vie.
Mais quel abîme ? De quoi parle-t-elle vraiment ?  Quels sont ses buts, ses idées en organisant cette escapade pour ses gamins ?
Elle va nous plonger dans sa folie, dans cet aller simple sans espoir de retour.
Sombre glauque, étouffant sont des adjectifs qui caractérisent pleinement le texte de Véronique Olmi.
A aucun moment, elle n’offre la moindre pause réjouissante, la moindre esquisse de sourire.
Tout ce qui pourrait devenir moment heureux, ou souvenir à chérir tourne très vite au désespoir, rien ne semble pouvoir égayer la noire aura qui entoure cette famille.
La joie d’entrer dans un bistrot est irrémédiablement gâchée par le comportement hostile du patron et des clients.
Manger des frites à la fête foraine se termine en petit drame quand une bousculade fait tomber le paquet au sol.
Découvrir la mer est une déception tant les vagues sont déchaînes, sombres et menaçantes.
L’hôtel est loin de ressembler à ce qu’on voit à la télévision, mais est une sorte de boîte à chaussure brunâtre.  La chambre est perchée au sixième étage d’un bâtiment sans ascenseur, où la porte de la chambre ne s’écarte quasi pas à cause du lit qui en bloque l’ouverture (c'était comme entrer dans un tunnel, un passage souterrain, on pouvait pas s'imaginer comment elle serait la chambre, tout était trop marron, trop sombreIl y avait rien d'autre à faire, y avait pas de table, pas de chaise, pas d'armoire, non, juste le lit).

Bord de mer est le sordide portrait d’une âme perdue dBord de Mer - Magali Pinglautans ses angoisses, déchirée par son amour maternel, acculée à l’extrême par un désespoir asphyxiant.
Elle ne sait plus vivre comme les autres, la comédie lui pèse, elle essaie de leurrer ses enfants, de se mentir à elle-même de colorer sa vie aux pâles couleurs du dehors, mais le glauque d’un océan déchaîné et le teint plombé d’un ciel de pluie n’ont jamais offert de quoi égayer une image.
Entre voyage à la mer, fête foraine, hôtel, café, voyage tout n’est qu’illusions et désillusions.

Magali Pinglaut joue cette femme, cette âme sans vie, cette femme presque morte, isolée, incomprise,  enfermée dans une cage aux barreaux d’angoisse, aux verrous de méfiance.
Elle est seule sur cette immense scène vie aux murs blancs, encadrée de miroirs qui reflètent sa solitude et son impuissance, elle marche sur un plancher incliné, aux marches inégales.  Son pas obligatoirement incertain devient le reflet des hésitations de son esprit.
L’actrice réussit à nous rendre les émotions de cette femme déconnectée de la réalité, distante comme gelée ou glacée par une camisole médicamenteuse.

Dur, poignant, Bord de Mer est une superbe étude psychologique d’une femme fragile, en totale désespérance qui nous entraîne jusqu’au bout de sa folie, sans retour, sans espoir.
Terrible, bouleversant et déchirant.

Spectacle vu le 13-01-2007
Lieu : Théâtre Le Public - Voûtes

Une critique signée Muriel Hublet

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