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Hiver
HiverDeux étrangers qui se rencontrent, stoppant leur course contre la montre sont les premiers mots qui me sont venus à l’esprit à la vue des premières minutes du spectacle Hiver.
Cette chanson (Question de feeling - Richard Cocciante et Fabienne Thibeault- 1986) illustre merveilleusement le propos de la pièce.
Un banc dans un jardin public.
Un homme, une femme, deux étrangers.
Une rencontre improbable.  Elle a besoin de parler, elle aborde cet inconnu, l’intrigue, le questionne, le harcèle, l’injurie pour obtenir une réponse.
Quelques mots laconiques, à peine prononcés, retenus, freinés.
Ils vont se parler, enfin si on peut appeler cela ainsi.
Leurs échanges sont brefs, faits d’hésitations, de phrases inachevées, de silences.
Les mots affluent à leurs lèvres, mais ne sortent pas.
On pourrait presque hésiter et entendre un bégaiement tant le phrasé est parfois lent, presque laborieux.
Qui est elle, mystère.  Les seules réponses qui nous parviendront seront plus des suppositions que des certitudes.
De lui on saura peu de choses, il est marié, il a un travail, il a des enfants.
Entre dialogues avortés et silences complices ou pesants, Hiver nous fait naviguer entre non-sens et poésie.  Jamais l’essentiel ne sera clairement dit, tout n’est qu’évocations et surtout émotions.
Derrière l’aspect banal d’une rencontre sans importance, d’un moment volé à la course des aiguilles, au conformisme routinier se cachent tant de sentiments.
Angelo Bison et Valérie Marchant sont tout simplement sublimes.  Ils transcendent littéralement leurs personnages.
Ce texte ou plutôt cette absence de fil conducteur leur fait jouer du regard, du tremblement des lèvres, de la main retenue, des larmes aux yeux.
La qualité de leur jeu est quasi magique, on est avec eux, sorte de voyeurs-complices, on voudrait en savoir plus, pouvoir leur espérer un avenir souriant.Hiver

Nous sommes parfois trop pragmatiques, notre esprit est souvent imperméable à la magie.  Dans cette rencontre toute simple,  nous cherchons l’avenir et les conséquences, en oubliant de savourer tout simplement l’instant présent.
Le texte de Jon Fosse déroute en bousculant nos habitudes.
Et c’est dommage, car nous perdons une partie de la poésie, du charme d’un Hiver pourtant somptueusement joué.

Spectacle vu le 12-01-2007
Lieu : L'Ancre

Une critique signée Muriel Hublet

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