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Juliette à la foire
Etrange et déroutant de prime abord tant par la musique que par le décor et par la mise en scène très énergique de Georges Lini. On nous l’avait anJuliette à la foire - Jasmina Douiebnoncé, faute de subsides cette saison, le ZUT réduit ses frais au maximum, mais il n’a pas réduit notre plaisir, loin de là.  Il commence même fort.
La scène est occupée par trois échafaudages et quelques caisses de bois, un décor sordide pour deux gosses, malmenés par la vie, sans trop de limites morales.  Ils usent de justifications d’une rhétorique d’apparence imparable mais elles sont si pures, si naïves qu’on ne peut qu’en sourire.  Ne rêvant que de s’évader, de quitter leurs vies sordides, de s’envoler vers un ailleurs obligatoirement meilleur, cette journée à la foire sera tout à la fois détonante, révélatrice et douloureuse.
Elle, c’est Juliette (Jasmina Douieb) femme-enfant, boiteuse, qui aguiche les hommes pour que son frère les rackette ensuite.
Plus douce, plus rêveuse, on sent en elle le besoin d’être aimée, rassurée, protégée, entourée.
Lui est Emilio (Itsik Elbaz), un petit dur en apparence, qui rudoie tout le monde même sa frangine.  Un gamin blessé, en réalité, qui ne sait plus trop où se trouvent les limites.
Juliette à la foire - Thierry JanssenThierry Janssen endosse tous les autres rôles, il est tour à tour un vieux libidineux, une voyante très lucide, une serveuse arnaqueuse, un baratineur de foire homosexuel, un père perdu dans les errances et les affres de ses rêves d’inceste.
Avec brio et quasi sans accessoires, il passe de l’un à l’autre et on y croit, il est réaliste avec son stetson sur la tête ou le fichu fleuri de la diseuse de bonne aventure.  C’est donc un superbe travail d’acteur surtout quand apparaît Roméo, un être simple, amoureux de la vie, généreux.
Il illumine, il irradie littéralement et insuffle un vent de fraîcheur, un souffle apaisant sur une pièce jusque-là aux images fortes et parfois violentes.  Il est le soleil qui chasse, pour un instant, la nuit noire et les énormes nuages qui encombrent la vie de Juliette.
Il ne s’agit pas de lyrisme involontaire de ma part, mais d’un essai de faire résonner chez vous aussi la poésie des mots de Micheline Parent.
Juliette à la foire - Jasmina Douieb et Itsik ElbazElle a écrit un texte tout à la fois fort et violent dans les thèmes abordés, mais empli de douceur, d’émotion, de naïveté et d’une part de rêve et d’images.
S’il fallait n’en retenir deux phrases, je citerais :
La vie des autres, on ne peut la vivre à leur place et Faire l’amour c’est comme jouer de la musique avec le cœur.

Derrière un quotidien glauque et sordide, c’est un peu à un voyage initiatique et révélateur que vous convie Juliette à la foire.
Derrière ce petit bout du parcours de deux gosses paumés, on découvre une profondeur et une richesse insoupçonnée.  Déroutés par les cinq premières minutes du spectacle, on en ressort comme apaisés, ressourcés.
Une belle prestation d’acteurs dans des rôles par moment très physiques (entre course contre le temps et escalade des échafaudages, ils se donnent à fond) mais par moment aussi très poignant comme dans les dernières tirades de Juliette et de son frère.

Spectacle vu le 05-10-2006
Lieu : ZUT Zone Urbaine Théâtre

Une critique signée Muriel Hublet

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