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La ménagerie de verre
La ménagerie de verre    Tom Wingfield (Julien Coene)  est le narrateur de ce texte de Tennessee Williams, mais c’est l’auteur lui-même qui se raconte derrière les phrases qu’il met dans la bouche du jeune homme.
Il parle de sa sœur, de ses relations difficiles avec sa mère, de son travail pénible dans un atelier de confection de chaussure.
Rien n’est tout à fait réel dans cette ménagerie, il s’agit de souvenirs.
Tom les évoque un peu comme on regarde de vieilles photos.
Les personnages sont fanés, jaunis, figés, les images sont parfois floues, les caractères accentués ou effacés.
Le metteur en scène,  Benoît Blampain, est parti de ce postulat pour nous proposer sa version de La Ménagerie de verre.
Un choix audacieux, qui surprend de prime abord, mais qui offre un point de vue neuf et une tout autre compréhension du texte.
Après quelques minutes de flottement, on entre de plain-pied dans cette vision innovante qui axe tout le jeu des protagonistes sur le geste et sur le corps faisant fi des objets et des décors réalistes.
La scénographie (superbe travail de Roberto Baiza) accentue encore cette impression de flou et d’irréel.
Il a enfermé les acteurs dans une sorte de cage de verre.  Pas de grillage entre les montants, mais des plaques translucides qui tournent sur elles-mêmes.
Elles accentuent le sentiment de distanciation et visuellement nous offrent des reflets mouvants, des vues des comédiens qui se reflètent et se multiplient.
Cet espace est clos à l’arrière est fait d’une paroi blanche, un peu comme la page vide que l’on peut remplir à loisir et une photo du père, l’absent, le fuyard qui a abandonné lâchement sa famille, mais dont la présence et l’absence se font encore profondément ressentir (l’image est volontairement agrandie pour accentuer ce sentiment d’emprise oppressante.
Sur scène, ils sont quatre.La ménagerie de verre
Laura Wingfield est Valérie Salme, un rôle très physique de femme-enfant, de blessée dans son cœur et dans son corps.
Elle a le rôle le plus discret, mais le plus physique de la pièce et signe ainsi une belle performance.
Jim O’Connor est Olivier Fagel, que dire sur cet acteur prometteur, si ce n’est que chaque fois, il surprend, il emplit toute la scène par sa présence et qu’il est un de ces jeunes à suivre du moment.
Amanda Wingfield, la mère, est jouée par Jacqueline Présau.
Cette comédienne chevronnée réussit la performance d’oublier toutes ses habitudes de jeu, tous les gestes acquis depuis des années pour se prêter aux demandes exigences de l’interprétation souhaitée par le metteur en scène.
D’ordinaire, celui-ci demande à ses acteurs d’extérioriser, de montrer les sentiments, de mimer les actions, d’être réaliste.
A l’inverse, Benoît Blampain leur demande d’oublier ces techniques classiques pour s’axer sur le corps.
Dans une économie de mouvements, leur jeu est plus saccadé qu’à l’ordinaire, ils se figent dans un mouvement pour accentuer une phrase ou un instant.
Ils ne jouent pas, ils donnent des impressions, ils reflètent des sentiments.
Ils sont les touches de couleur que dépose un peintre, à chaque coup de pinceau sur la toile.  Ce n’est que rassemblées qu’elles donnent un tableau, une image que l’on percevra différemment selon l’angle sous lequel on le regarde.
Un difficile pari de Benoît Blampain et ses acteurs, mais finalement une belle réussite, une présentation originale de La Ménagerie de verre que ne désavouerait pas le grand Tennessee lui-même.
L’auteur aux multiples contradictions aurait certainement grand plaisir à se voir ainsi dévoiler ou … révéler.

Spectacle vu le 02-02-2007
Lieu : Théâtre de la Flûte Enchantée

Une critique signée Muriel Hublet

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