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Entre rêve et poussière
Entre rêve et poussièreUn petit triangle dans un monde de grands carrés
C’est par cette image, qu’Élise, huit ans, se décrit.
Des mots étranges dans la bouche d’une petite fille imaginative qui, dans le secret de sa chambre, rêve et danse.
Sur les bancs de l’école, elle se transforme en hérisson taciturne, voire agressif, enfermée dans un mutisme protecteur pour tenter de masquer ses difficultés scolaires.
Dualité d’une enfance tiraillée par les adultes qui l’entourent.

Jadis, Élise aurait été appelée 'cancre’.
Mais les choses ont changé.
Nous sommes entrés dans une nouvelle ère, celle du succès.
Tout le monde doit être soulevé, emporté, aspiré, avalé, entraîné par cette spirale infernale.
Ceux qui ne le sont pas, sont impitoyablement rejetés, deviennent des curiosités, des anormalités, des ‘différents’.

David Daubresse, concepteur du spectacle et lui-même classifié ‘enfant à problèmes’, nous dépeint un pEntre rêve et poussièreortrait très vaste et réaliste de nos rapports à l’Éducation.
Le père veut voir sa gamine, grâce à de ‘bonnes études’, réussir mieux que lui, connaître une existence moins pénible que la sienne.
Le professeur, désabusé par les remaniements perpétuels des programmes, baisse les bras.
Les condisciples isolent le ‘vilain petit canard’.
Les réunions de parents ressemblent à un tribunal inquisiteur et accusateur.
Remédiations, visites chez le psychologue ou le neuropsychiatre, batterie de tests, dont la péremptoire mesure du QI, ou encore la médication (la fameuse et controversée Rilatine) sont les pistes proposées (imposées ?). 
Et Elise dans tout cela ?
Qui l’écoute et surtout qui la comprend ?
Comment supporte-t-elle toute cette pression ?

La thématique est complexe, le nombre de sujets évoqués est tel qu’Entre rêve et poussière pourrait sembler un melting-pot, une succession rapide de tableaux. Sans juger, sans apporter de réponse, le spectacle se veut interpellant. Il réveille nos souvenirs scolaires et interroge notre comportement de parents.
Chaque représentation est d’ailleurs suivie d’une rencontre avec le public ou d’un débat avec les concepteurs et des professionnels de l’enseignement.
Il serait réducteur de considérer Entre rêve et poussière uniquement sur son volet éducatif ou sensibilisateur. 
Il est aussi et surtout un joli travail théâtral.
La scénographie de Claude Santerre permet de créer des zones, des lieux (chambre, classe, bureau du médecin…) et de voyager dans l’imaginaire d’Élise (grâce également aux superbes vidéos mappées de Caméra-etc et aux éclairages de Claudio Zeriali).Entre rêve et poussière
La mise en scène (David Daubresse et Alexis Garcia) s’est attachée non seulement au jeu, mais à la gestuelle, aux attitudes, aux postures qui deviennent ainsi dans le chef de la jeune Juliette Minon (magnifique Élise) de vrais cris de souffrance exprimés sans un mot.
David Daubresse (le père) et Raphael Van Keulen (l’instituteur) complètent efficacement la distribution.
Bien plus qu’être un spectacle interpellant, et même s’il peut parfois provoquer des émotions très contrastées, Entre rêve et poussière, sensible et plein de créativité, en séduira plus d’un.

Spectacle vu le 13-10-2015
Lieu : Théâtre Le Public - Voûtes

Une critique signée Muriel Hublet

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