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Notre critique de L'île des Esclaves

Marivaux … croisière amusante ou galère culturelle ?
Iphicrate (Thibaut Nève) et Euphrosine (Annette Gatta) -  L’Île des esclaves - MarivauxEn signant L’Île des esclaves en 1725, l’auteur français crée une tragicomédie qui vogue entre naufrage humain et raz-de-marée de sentiments.
La Compagnie Chéri-Chéri qui a enchanté nos étés avec Yvonne princesse de Bourgogne  ou Une pucelle pour un gorille souhaitait insuffler modernité et remettre en avant ce texte peu joué de Marivaux.
Pour cela, la pièce, à l’origine en un acte et d’un peu moins d’une heure, a été remaniée et s’est vue parée de quelques rajouts (parfois intéressants, mais pas toujours heureux).

Ainsi, tout commence ici par l’embarquement sur le KarreveldBoat.
Les comédiens déambulent parmi les spectateurs, les interpellent et situent d’emblée les caractères.
Deux nobles, Iphicrate (Thibaut Nève) et Euphrosine (Annette Gatta),  vont faire belles mines et assaut de bonnes manières avec le public tout en houspillant vertement leurs esclaves, Arlequin (Othmane Moumen) et Cléanthis (Jessica Gazon).
Plaisante de prime abord, cette introduction lasse un tantinet à force d’être étirée près de vingt minutes, le temps pour certains, peu respectueux des horaires de trouver leurs sièges.
À peine tout le monde est-il  à bord que le bateau-théâtre largue les amarres et … vogue la galère.
Accoudés au bastingage, Iphicrate et Euphrosine sauront juste esquisser une ébauche de romance avant que la tempête ne gronde et le bateau fasse naufrage.
Remous, tumulte, chutes, cascades et nous abordons enfin le texte de Marivaux et le rivage de L’Île des esclaves.
Ici les rôles sont inversés, les esclaves deviennent maîtres et les maîtres prennent la place de leurs serviteurs.
Ils sont ainsi sensés percevoir (et s’amender), par l’exemple, l’odieux de leur comportement abusif qui en a fait d’horribles petits tyrans inhumains envers des hommes et des femmes qui n’ont pour seul défaut que d’être nés moins favorisés qu’eux.Cléanthis (Jessica Gazon) et Euphrosine (Annette Gatta) -  L’Île des esclaves - Marivaux
Tout va donc évoluer dans une comédie envolée, presque endiablée où le gouverneur de l’île, Trivelin (Christophe Lambert), s’apparente à un présentateur de reality-show pimpant et bronzé (cigarillo aux lèvres, lunettes de soleil et souliers en croco en sus pour faire bonne mesure).
Kitsch, débridé et drolatique, l’ensemble amuse dans le piment des réparties, mais surtout dans le volontaire excès des postures, mimes et gestuelles des quatre comédiens.
Dans la moiteur de l’été, l’entracte arrive pour permettre au public de se rafraîchir.
Mais pour la pièce, cet intermède se révélera aussi dangereux qu’un iceberg pour le Titanic.
Déjà entre les tables volent les commentaires, beaucoup  sont enthousiastes même si de-ci de-là d’autres s’avouent un peu déçu par un côté qu’ils qualifient de violent, de too much ou d’outrancier.
La seconde partie débute par un numéro de danse hilarant, interprété avec brio par Othmane Moumen et avec une mauvaise foi nonchalante par son ex-maître Thibaut Nève.
Après cet intermède hautement cocasse, quelques épisodes bouffons se remarqueront encore, mais l’assurance et le naturel de la première partie semblent s’être envolés.
Le propos philosophique voulu par l’auteur prend le dessus.
On arrive au dénouement, à la prise de conscience des uns et des autres, au pardon, à la compréhension et au retour de chacun dans son rôle initial, le maître reprenant le pouvoir, adouci et compréhensif, et le domestique généreux et foncièrement bon dans l’âme son rôle de domestique.
Hélas, cette fin tombe plutôt lourdement après une pléthore de moments divertissants.
La mise en scène de Flore Vanhulst, pour imaginative et créatrice qu’elle soit, n’a pas réussi à maintenir de bout en bout son inventivité.
Dommage de voir un projet intéressant, bourré de petits instants vaudevillesques s’évaporer quasi sans coup férir.
Arlequin (Othmane Moumen)-  L’Île des esclaves - Marivaux Si Annette Gatta, Thibaut Nève et Othmane Moumen s’en sortent bien, Jessica Gazon très outrancière en nouvelle maîtresse n’arrive hélas pas à faire croire en son pardon envers Euphrosine.
Et c’est d’autant plus dommage que la comédienne porte sur ses épaules la conclusion de la pièce et doit transmettre dans un long monologue la morale voulue par Marivaux.
Dans une sorte de réquisitoire, elle est sensée s’adresser aux riches et nantis de ce monde et les appeler à plus de modération et d’humanité ce texte tombe à plat faute d’être crédible et surtout ennuie plus qu’il n’interpelle.
De même, l’apparition finale de Trivelin mimant l’ébriété surprend et n’est nullement nécessaire.

On ne peut que déplorer que cette seconde partie ne tienne pas les promesses de la première qui malgré ses défauts et longueurs avait le mérite de divertir.
Un bilan mitigé donc mais pas totalement négatif pour autant.
On gardera le souvenir de rires et d’amusement.
Seuls les amateurs de Marivaux ou les plus puristes, auront envie de paraphraser Géronte (Molière-Les fourberies de Scapin) en se disant …
Mais que diable, suis-je allé faire dans cette galère ?

Muriel Hublet
Spectacle vu le 31-07-2008
Festival Bruxellons
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Présentation du spectacle :
Résumé :
L'île des Esclaves titre>Débarqués sur une île inconnue, deux couples naufragés - deux maîtres et leurs deux esclaves - en découvrent les mœurs sociales surprenantes. Ici, autrefois, on tuait les maîtres pour libérer les esclaves mais ce temps est révolu... Les mœurs se sont adoucies.
L'affiche :
de Marivaux
Avec: Thibaut Nève, Othmane Moumen, Jessica Gazon, Annette Gatta, Christophe Lambert
Mise en scène: Flore Vanhulst

Les prochaines représentations :

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