L’homme est au centre de ce texte écrit par Jean-Claude Idée.
L’auteur et metteur en scène belge a construit son scénario autour d’une lettre de Rabelais à Érasme où le premier y avoue considérer son aîné comme son père spirituel.
Avec une jolie pirouette de Et si… ?, Jean-Claude Idée fait de nous les spectateurs de la rencontre entre le philosophe vieillissant, et aigri par les différents rejets et revers qu’il a subi tout au long de sa vie, et le jeune et fougueux français.
Inévitablement, pour nous faire percevoir toute la portée philosophique du propos de ces intellectuels humanistes généreux et presque idéalistes, et ce bien avant la récupération politique de ce mot, le canevas de la pièce doit comporter une petite leçon d’histoire.
Heureusement, celle-ci se révèle assez courte et bien peu indigeste.
Pour les allergiques invétérés des rappels historiques, prenez patience, la suite du spectacle compensera au centuple votre effort et votre persévérance.
Il faut cependant admirer le travail réalisé par toute l’équipe du Théâtre du Parc, en insistant tout particulièrement sur Ludwig Moreau (aux costumes et à la scénographie) et Jean-Pierre Finotto (aux maquillages), qui donne vie aux grands de l’époque (Isabelle la Catholique, Gutenberg, Machiavel, Henri VIII, Léon X, Michel-Ange, Charles Quint, François Ier, Luther, Christophe Colomb, etc.). Leurs apparitions physiques permettent allègrement d’atténuer le rébarbatif de ce qu’aurait été une évocation verbeuse de leurs positions respectives.
Sur scènes, les théories s’affrontent, les opinions se radicalisent et les illusions se dissolvent face à un immobilisme forcené ou à un refus de trouver des solutions négociées. Ce qui, étrangement, nous rappelle, presque 500 ans plus tard une certaine petite Belgique.
L’amertume et la déception d’Érasme se diluent dans les mots franchement frondeurs et osés de Rabelais.
Le ton du spectacle va ainsi tomber dans la joyeuse bouffonnerie, bien propre à l’univers rabelaisien et à ses figures célèbres dont Pantagruel et Gargantua.
La sombre bibliothèque du père spirituel de l’Europe s’ouvre alors sur un monde fantasque, coloré, sur un cortège de personnages délirants, drolatiques et cocasses aux propos pourtant bien chargés de bon sens.
Pour nous faire vivre et ressentir cela, douze comédiens sur scènes qui pour beaucoup endossent de multiples rôles.
Impossible de les citer tous et toutes, mais certains resteront gravés dans nos esprits, comme le bébé Gargantua de Jean-Henri Compère, l’inénarrable La Folie de Catherine Decrolier, l’ardeur combative du Frère Jean de Gauthier Jansen, sans oublier l’interprétation tout ascétique de Jean-Pierre Altenloh et celle toute en bonhomie de Michel Poncelet dans son jovial Rabelais.
Erasme et Pantagruel est une magnifique surprise, d’autant que la présentation faite à l’époque par Jean-Claude Idée pouvait laisser présager le pire.
Le spectacle nous offre pourtant le meilleur, une comédie philosophique assez déjantée, servie par des costumes superbes.
Décidément, le théâtre du Parc signe un triplé cette saison, après le sublime Aiglon et l’excellent Célimare le bien-aimé.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 30-01-2009
Théâtre Royal du Parc
Présentation du spectacle :
Résumé : Qu’adviendrait-il si Erasme ayant lu Rabelais revenait pour nous le faire voir et entendre, nous le commenter et nous mettre en garde ? Car nos époques sont jumelles et les grands espoirs humanistes et pacifistes de la seconde moitié du XXème siècle pourraient à leur tour se noyer dans un bain de sang et de fanatisme
L'affiche :
Comédie de Jean-Claude Idée
Avec: Jean-Philippe Altenloh, Christian Labeau, Manuela Servais, Perrine Delers, Jean-Henri Compère, Michel Poncelet, Gautier Jansen, Nicolas Mispelaere, Yves Claessens, Catherine Decrolier, Vincent Vanderbeeken, Bruno Georis
L’homme est au centre de ce texte écrit par Jean-Claude Idée.
Qu’adviendrait-il si Erasme ayant lu Rabelais revenait pour nous le faire voir et entendre, nous le commenter et nous mettre en garde ? Car nos époques sont jumelles et les grands espoirs humanistes et pacifistes de la seconde moitié du XXème siècle pourraient à leur tour se noyer dans un bain de sang et de fanatisme
